Politique et Corruption... Quand la Thailande s'en va aux urnes
Aujourd'hui, Dimanche 6 Fevrier 2005, journee electorale en Thailande. Une bonne occasion de parler politique... et corruption !
Mais avant toute chose, petit etat des lieux :
Depuis 1932, la Thailande est une monarchie constitutionnelle : le roi Bhumibol, ne en 1927, regne sous le nom de Rama IX et est le chef de l'Etat. Il jouit d'une reconnaissance quasi-divine aupres de tous le peuple Thai, et son culte est celebre quotidiennement au quatre coins du pays, exercant en quelque sorte une fonction de "ciment national". Malgre cela, le gouvernement exerce le pouvoir, non le roi. Durant des annees, cela sous-entendait les generaux, plus ou moins corrompus ; mais depuis 1978, la Thailande a renoue avec la democratie... Ce qui est loin d'impliquer une transparence des Premiers Ministres, meme civils !
Juillet 1997 : une crise economique sans precedent frappe le pays. En novembre de cette meme annee, le Parti democrate se retrouve a la tete du gouvernement, mais se voit incapable de redresser une situation inquietante : chomage, devaluation... Les autorites du monde entier s'inquietent tres serieusement, le FMI (Fond Monetaire International) venant a la rescousse. Mais les licenciements massifs se poursuivent, les salaires degringolent, les travailleurs immigres sont expulses, et une part importante de la population quitte Bangkok pour se rendre dans les campagnes, ou tout au moins on trouve de quoi se nourrir... Dur !
2001 : le milliardaire Thaksin Shinawatra est elu au poste de premier ministre, et impose son Parti, le Thai Rak Thai ("les thailandais aiment les thailandais"), aux depens des Democrates. Sur tous les fronts -politique, economique, social- , il tente de retablir la situation, restant fidele a sa devise "Think new, Act new" : privatisation des entreprises publiques, multiplication des accords avec les instances boursieres et bancaires pour recouvrir les dettes... Il obtient au final une reduction de l'inflation et parvient a maintenir le taux de croissance du pays.
" Il est vrai que le Premier ministre au style flamboyant peut se prévaloir d'un bilan économique flatteur. "La Thaïlande est aujourd'hui une des économies les plus robustes et dynamiques d'Asie", souligne Mira Kim, directrice de la Chambre de Commerce Coréenne de Thaïlande, "ses fondamentaux macro-économiques se sont assainis et le pays a retrouvé la confiance des milieux d'affaires".
En quatre ans, la richesse nationale a augmenté de 35% et atteint désormais 171 milliards de dollars, tandis que les réserves de changes ont progressé de 50%, note un représentant de la mission économique française. La dette publique a également considérablement baissé, passant de 62% du PIB en 2001 à moins de 47%, tandis que le budget de l'exercice 2005 est équilibré pour la première fois depuis la crise de 1997. Principal moteur de la croissance, la consommation privée représente dorénavant 56% du PIB". (LaTribune.fr, parution du 04/02/05)
Mais ces bons résultats économiques n'empêchent cependant pas les critiques de fuser contre ce Premier Ministre "hyper-mediatique", tant concernant ses choix politiques que certaines de ses pratiques jugees frauduleuses...
Il ordonne notamment en 2001 l'arrestation de traficants de drogue a travers de grandes operations tres mediatisees ; 2200 d'entre eux auraient deja ete tues dans des conditions inhumaines. Au printemps 2004, ce sont des represailles de la police qui entrainent la mort d'une centaine de musulmans, dans le sud du pays, de facon mysterieuse... Meme si Thaksin essaie de redresser le pays, on s'insurge devant ses methodes radicales et barbares.
D'autre part, on l'accuse de placer ses propres interets et ceux de ses proches bien en avant de l'interet general : celui-ci a souvent joué la carte de la confusion entre les intérêts d'Etat et ceux de ses propres entreprises. "Il est sans doute celui qui a le plus profité du retour de la croissance", fustige Natchanok Padungsong, candidat du parti Mahachon à Bangkok. La Shin Corp, détenue à 39,3% par la famille du Premier ministre et vaisseau amiral de son empire des télécommunications, a vu son titre progresser de 11% en 2004 alors que l'indice boursier général a baissé de 13,5%... "Il place sa famille et ses amis à tous les postes clefs du pouvoir économique et politique", s'agace un homme d'affaires thaïlandais qui propose de rebaptiser le pays "Thaksinland". "Il n'y a pas un secteur où on ne les retrouve pas", enrage-t-il.
Malgre cela, au gouvernement, on tempère, en rappelant que Thaksin Shinawatra est le premier représentant de la société civile à aller au bout de son mandat et à ne pas avoir essuyé de coup d'Etat... "C'est une victoire de la démocratie et tant mieux si c'est bon pour l'économie", s'amuse Jakaprob Penkair, porte-parole du gouvernement.
Bangkok, ces dernieres semaines, une "ville-ecrin" pour les luttes politiques :
Aujourd'hui : vous l'aurez compris, les thailandais sont appeles aux urnes pour elir leur "nouveau" (!) representant du Gouvernement... Et c'est un Premier ministre confiant qui se présente dimanche devant les électeurs thaïlandais : face à une opposition qui a quasiment jeté l'éponge, le parti Thai Rak Thai de Thaksin est d'ores et déjà certain de remporter les élections législatives, et ce ne sont pas les crises à répétitions (Sras, grippe aviaire, guerre contre la drogue, révolte musulmane, tsunami...) dont le pays a été la cible ces quatre dernières années qui devraient changer l'issue du scrutin...
Comme quoi, en politique, les ideaux sont grands, mais souvent bien malmenes dans la realite : ou comment un pays revolte contre les pratiques d'un homme se precipite vers les urnes pour renforcer encore le pouvoir de la "Bete".
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