Quand Charlotte s'en va...
La vie de demandeur d'asile est un calvaire quotidien, passe et present.
Ce statut est sans doute l'une des condition les plus devastatrices qu'un etre humain puisse un jour avoir a endurer. Etre demandeur d'asile, puis refugie, c'est :
_Fuir son pays sous les menaces de mort, laissant souvent ses proches dans une situation de dangers permanents et reels, et sans anticiper un avenir a jamais different.
_Avoir subi dans la plupart des cas des discriminations morales et des agressions physiques (je sais aujourd'hui ce qu'on appelle torture, pour l'avoir entendu de la bouche de personnes a jamais affectees dans leur corps et leur esprits).
_Se retrouver depourvu de tout dans un pays etranger, traumatise par son passe, en grande souffrance physique la plupart du temps liee aux conditions de la fuite et aux tortures, a devoir a la fois gerer un choc culturel rendu d'autant plus agressif par le caractere subi de la situation.
_Compter sur la generosite de personnes rencontrees au hasard des evenements pour survivre, et mener une vie de mendiants aupres des eglises, des associations et des centres susceptibles de vous aider.
_Abandonner un passe qui a fait jusqu'a aujourd'hui toute votre vie et que l'on aurait jamais pense a delaisser un jour : une famille, des amis, un travail. Tenter de se reconstruire une vie, ailleurs.
Charlotte et sa petite famille, Dimanche 29 Mai 2005, 2 jours avant le depart pour une reinstallation en Suede prise en charge par les Nations Unies. Charlotte et ses deux filles, 9 mois apres leur arrivee en Thailande, et ses violes a repetition au Congo et au cours de sa fuite. Charlotte et son jeune epoux, qui a finalement retrouve la trace de sa femme apres avoir lui-meme endure des persecutions innommables... Charlotte et sa petite famille, a jamais tenues eloignees de leur pays natal pour avoir soutenu le combat democratique et des droits de l'Homme pour tout un peuple.
J'ai rencontre Charlotte des mes premiers jours a NCCM : deprimee, seule avec ses deux filles agees de 1 et 4 ans, tres fragile psychologiquement et en proie a des absences repetitives. Beaucoup la prenaient pour folle, face a ses crises et a ses exces de colere lies a l'incomprehension, a la souffrance et a la peur. Tres vite, nous nous sommes parles, notre langue commune nous a rapproche et unie. Toutes les semaines, nous avons pleure et ri toutes les deux, partageant notre histoire et notre force de vie.
En ce dimanche de Mai, seuls des sourires et une reconnaissance deconcertante ont fait surface, apres les mois de leurs galeres quotidiennes pour subvenir aux besoins les plus elementaires et survivre a Bangkok.
Et tres bientot, ces deux petites puces vont pouvoir aspirer a une vie normale, faite de rires et de jeux.
C'est la magie du processus des Nations Unies lorsqu'il fonctionne. Lorsqu'il fonctionne...
Sa Wad Dee ka ;-)