Jeudi... jour des condamnes
Bonjour France, pays des Libertes individuelles, de l'Egalite face a la loi, et de la Fraternite entre les citoyens...!
Quoi, vous n'etes pas convaincu ?? Qui est deja en train de ricaner dans un coin ?!!!
Je crois que pour toute chose, il existe deux mesures : celle qui consiste a observer une situation et a l'evaluer au regard de ses jugements et de ses propres considerations culturelles et nationales, et celle qui consiste a eclairer sa vision des experiences etrangeres. Si la France est loin d'etre a la hauteur de son fameux slogan, peut-etre faudrait-il cependant prendre un peu de recul... C'est ce que je vous propose de faire aujourd'hui au travers d'une experience incroyable que j'ai decouverte ici : la visite de condamnes dans les prisons urbaines de la ville de Bangkok.
Decouverte d'un monde carceral repressif et abusif, ou Liberte, Egalite, Fraternite, ont ete abandonnees sur le pas de la porte, massive et verrouillee...
Prison pour hommes de Klong Prem, jeudi 3 Mars 2005, 8h du matin.
Comment parler "prisons et exces" en Thailande, sans parler de DROGUES. C'est par cette entree que je souhaiterai aborder cette question. Il faut en effet savoir qu'une majorite des condamnes presents dans ces prisons subissent des sentences pour possession, trafic, ou "suspicion" de trafic de drogue : la plupart pensait trouver un echappatoire a une vie extremement difficile dans leur propre pays, frappe par la pauvrete ou les conflits ethniques et politiques, en Afrique (Congo, Benin, Algerie...) et en Asie (Malaisie, Nepal, Vietnam...) particulierement.
Sans entrer dans le details du systeme des prisons thailandaises, sur lequel nous aurons l'occasion de revenir, et que je decouvre de semaines en semaines au travers des confidences des prisonniers, je pense qu'il faut d'abord comprendre ou se situe ce pays par rapport au reste du monde, en terme de position ideologique et de repression des trafics de drogue :
L'ensemble des pays membres des Nations unies se sont engages a reprimer la trafic et l'usage des drogues. Cependant, les conventions internationales relatives au controle des drogues laissent le soin aux Etats de decider de l'ampleur des penalites infligees, et les legislations different amplement d'un pays a un autre, en fonction de leur propre position de producteur de drogue, et de leur contexte judiciaire et politique. Si l'Europe reste un exemple en terme de tolerance, et tend a entrainer dans son sillage la Russie et la Canada, l'on peut pretendre sans trop s'avancer que la tendance mondiale en la matiere n'est pas a la tolerance : entre 1985 et 2000, a titre d'illustration, le nombre de pays pouvant imposer la peine de mort pour trafic de drogue est passe de 22 a 34, selon l'Organe international de controle des stupefiants, l'Oics, meme si l'application de cette peine n'a ete effective que dans une dizaine de ces pays ces dernieres annees, particulierement en Asie.
La Thailande n'a que tres rarement depasse le stade de la sentence en terme de peine de mort, mais la quasi-totalite des condamnes de la drogue sont aujourd'hui en prison avec des peines a perpetuite. Un de nos roles en tant que volontaires est donc aussi de contacter les gouvernements des pays des prisonniers, en leur demandant notamment des courriers de soutien personnalises, et des demandes officielles de reduction de peine aupres des autorites thailandaises. Et il n'est pas si rare de parvenir a faire changer le niveau de la condamnation lorsqu'un gouvernement accepte d'intervenir et de soutenir un individu, meme si le nombre des annees a accomplir reste encore souvent demesure, se comptant en dizaines d'annees...
Une visite etablit un contact. Un contact etablit une relation. Et le service des postes se charge de faire parvenir le courrier ! Quand des prisonniers prennent leur plume, cela donne des dizaines de lettres en quelques semaines.
Des philosophes ou des poetes, parfois !!! ;-)